Imaginons un instant qu'un extraterrestre observe les humains depuis l'extérieur, curieux de comprendre leur fonctionnement.
"Les humains, ces créatures biologiques complexes, possèdent une capacité fascinante : les émotions. Bien que cela puisse sembler étrange à un observateur extérieur, ces réactions internes jouent un rôle essentiel dans leur survie. Ce qui est particulièrement intriguant, c’est que ces émotions ne sont pas seulement des états internes, mais aussi des manifestations visibles à l’extérieur, par le biais de leurs comportements, de leurs expressions faciales, de leurs postures et même de la tonalité de leur voix. Ce bruit émotionnel, si on peut l’appeler ainsi, est ce qui a attiré l’attention des chercheurs. En effet, les émotions peuvent être observées, mesurées et étudiées, offrant ainsi un accès direct à la compréhension de l'humain.
En remontant dans le temps, ces émotions se sont forgées au fil de l’évolution, un ensemble de réponses héritées de leurs ancêtres lointains, façonnées pour les guider dans ce monde incertain. Leur origine est intrinsèquement liée à la survie, à l’adaptation et à la connexion avec les autres. Les humains, comme tous les autres êtres vivants, sont constamment à la croisée des chemins entre la menace et l'opportunité, et leurs émotions leur servent de boussole interne. Mais qu’en est-il aujourd’hui ? Comment ces émotions sont-elles perçues et vécues dans un monde qui a radicalement changé, mais où le cerveau humain reste encore largement câblé pour réagir comme il y a des milliers d’années ?
Comprendre l’origine de ces émotions est non seulement une exploration fascinante, mais aussi une clé pour mieux les appréhender et les gérer au quotidien."
L'Évolution des Émotions : Entre Danger et Opportunité
À l'origine, les premiers humains et leurs prédécesseurs, les hominidés, devaient répondre rapidement aux menaces pour survivre. Des émotions comme la peur les incitaient à fuir les prédateurs, tandis que la colère pouvait les aider à se défendre face à un danger imminent. Ces réponses émotionnelles étaient régulées par les structures plus anciennes du cerveau, comme l'amygdale, qui jouent un rôle clé dans la survie.
Mais l’évolution ne s'est pas arrêtée là. L'être humain a aussi développé un penchant pour l'exploration et la curiosité. Ces émotions positives nous ont permis de découvrir de nouveaux territoires, de former des relations sociales complexes, et d'innover. Ce sont elles qui nous poussent à sortir de notre zone de confort pour grandir et nous épanouir.
Le Rôle du Système Nerveux : La Sécurité Avant Tout
Pour comprendre comment nous pouvons explorer le monde en toute sécurité, il est essentiel de connaître un aspect fondamental de notre physiologie : notre système nerveux autonome. Ce système, qui régule nos réponses involontaires, joue un rôle central dans la manière dont nous percevons et réagissons aux événements autour de nous. Il est composé de plusieurs branches, chacune activée en fonction des stimuli environnementaux, et leur activation détermine en grande partie nos états émotionnels et comportementaux. Lorsqu'il est bien régulé, ce système nous permet non seulement de survivre, mais aussi de nous engager activement dans la vie, d'explorer, d'apprendre et de nous connecter avec les autres.
Il existe trois états fondamentaux que notre système nerveux autonome peut activer :
Le système ventral-vagal : Repos, sécurité et connexion.
Le système ventral-vagal, lié à la branche ventrale du nerf vague, est l’état physiologique de repos et de sécurité. Lorsqu'il est activé, il calme notre corps, réduit le stress et nous plonge dans un état d'homéostasie, où les fonctions corporelles stabilisée. L'émotion ressentie est souvent celle de la sérénité ou de la calme confiance. Émotionnellement, une personne peut ressentir un profond bien-être, de joie, et de sécurité intérieure. Cela favorise une ouverture émotionnelle, permettant à l’individu de se connecter aux autres de manière authentique et sans crainte.
Physiologiquement, cet état se traduit par une stabilité du rythme cardiaque, une respiration plus profonde et régulière, et une posture détendue. La voix est plus calme et posée, souvent plus claire, et les expressions faciales sont détendues, ce qui permet une meilleure communication et interaction. Ce système active également des réponses sociales comme le sourire et le contact visuel, éléments clés dans la construction de liens et dans la navigation de nos interactions sociales.
Cet état est crucial pour l'exploration et l'apprentissage : c’est dans cet état de calme et de sécurité que nous sommes le plus ouverts à découvrir, à nous engager dans des conversations enrichissantes, à expérimenter de nouvelles idées, ou à simplement profiter de la présence des autres. Dans cet état, nous pouvons nous concentrer sur des tâches créatives ou apprendre de nouvelles informations sans être distraits par des pensées anxieuses ou des préoccupations externes. En résumé, cet état ventral-vagal crée un environnement intérieur favorable à la connexion sociale et à l’exploration, essentiels pour notre épanouissement personnel.
Le système sympathique : Mobilisation par la peur et stress.
Mobilisation par la peur et stress
Face à une menace, notre système nerveux sympathique entre en action, déclenchant une réaction de "mobilisation par la peur". C'est un mécanisme ancestral de survie, qui nous prépare à réagir face au danger, que ce soit pour fuir, combattre ou nous figer. Le cœur s'accélère, la respiration devient plus rapide, et les muscles se tendent, prêts à l'action. Ces réactions physiques visent à fournir de l'énergie aux organes vitaux, comme le cœur et les poumons, pour nous aider à faire face à la situation.
Sur le plan émotionnel, cette activation génère une forte sensation de peur ou d'anxiété. Le corps envoie des signaux de stress constants, et l'esprit perçoit une pression interne. Cela nous pousse à chercher une solution immédiate : fuir ou réagir de manière défensive. L'amygdale, la zone clé du cerveau responsable de cette activation, détecte la menace et envoie des signaux à tout le corps pour qu’il se prépare à l’action.
Ce processus est soutenu par les hormones du stress comme l'adrénaline et le cortisol. L'adrénaline booste rapidement l'énergie physique, tandis que le cortisol régule la réponse au stress sur le long terme. Cependant, si cette réaction persiste sans retour à un état de sécurité, le cortisol reste élevé, ce qui peut entraîner une surcharge du corps et perturber ses fonctions normales, en particulier le système immunitaire.
Si le système sympathique reste activé trop longtemps, cela peut avoir de lourdes conséquences physiques. Le corps reste tendu, ce qui peut provoquer des maux de tête, des troubles digestifs, une fatigue chronique et des problèmes de sommeil. Sur le long terme, une activation prolongée peut conduire à des troubles cardiaques, de l’hypertension et des déséquilibres hormonaux. Le stress chronique altère aussi la plasticité neuronale, rendant plus difficile pour le cerveau de se régénérer et de répondre de manière adaptative aux situations stressantes.
Le retour à un état de sécurité, facilité par le système ventral-vagal, est crucial pour rétablir l'équilibre. Si le corps reste coincé dans cet état de tension, les effets sur la santé mentale et physique peuvent être graves. Pour permettre au corps de se rétablir, il est essentiel de favoriser des pratiques de relaxation, de respiration profonde et de connexions sociales qui réactivent le système ventral-vagal et permettent un retour à l’équilibre.
Enfin, l'impact du stress chronique va au-delà des réponses physiologiques immédiates : il affecte aussi la mémoire à court, moyen et long terme. L’hypothalamus, bien que principalement impliqué dans l’homéostasie (gestion de la température, de l’appétit, etc.), joue également un rôle dans la gestion du stress et la mémoire. Lorsqu’il est constamment sollicité par des niveaux élevés de cortisol, l'hippocampe, qui encode et stocke les souvenirs, peut se retrouver perturbé. Cela se traduit par des difficultés de concentration, des pertes de mémoire, et une réduction de la capacité à assimiler de nouvelles informations. À long terme, ce stress constant peut nuire à la formation de nouvelles connexions neuronales et mener à des troubles cognitifs.
Le cerveau et le corps communiquent constamment dans cette danse de la réponse au stress. L’amygdale détecte une menace et envoie des signaux au corps pour qu’il se prépare à l'action, tandis que le corps, par des sensations physiques comme l’accélération du cœur ou la tension musculaire, envoie à son tour des informations vers le cerveau. Ce processus se fait si rapidement que les chercheurs peinent à déterminer si l’un précède l’autre ou si tout se passe simultanément. C’est cette réactivité immédiate entre le cerveau et le corps qui nous aide à gérer le stress et à faire face aux menaces de manière aussi rapide et efficace que possible.
Le système vagal dorsal : Immobilité et retrait.
Lorsque le stress atteint un niveau insoutenable, le système vagal dorsal prend le relais. Ce mécanisme de défense extrême ralentit toutes les fonctions corporelles, plongeant l’individu dans un état d’immobilité totale, souvent perçu comme une paralysie émotionnelle et physique. Cette réponse est celle de "l'immobilisation par la peur", un retrait profond qui survient généralement lorsque la fuite ou l’action ne sont plus possibles. Le cœur ralentit, la respiration devient superficielle, et le corps se fige, créant une sensation de "gel". Ce phénomène, parfois associé à un état de dissociation, peut nous amener à nous sentir déconnectés de notre environnement, comme si nous observions la situation de loin, sans pouvoir y répondre.
Sur le plan émotionnel, la personne peut ressentir un profond sentiment de désespoir, de résignation, de la procrastination, ou de dissociation. Psychologiquement, cet état se traduit par un sentiment de ne plus être capable d’agir ou de réagir, une sorte de perte de contrôle qui est souvent vécue comme une forme d'impuissance. Les émotions sont souvent engourdies, et une sensation de déconnexion s’installe, ce qui empêche toute forme d’engagement ou de réaction à l’environnement. Cela peut aussi se manifester par des pensées de fuite mentale ou un sentiment de détachement, comme si le corps et l'esprit se déconnectaient de la réalité.
Physiquement, l'activation prolongée du système vagal dorsal peut engendrer un affaiblissement général, une somnolence intense, des douleurs musculaires dues à la tension accumulée, et parfois des vertiges. En raison du ralentissement global des fonctions corporelles, l’énergie est rarement dirigée vers les systèmes de régénération ou de guérison, mais plutôt vers une tentative de préservation. Le corps se retrouve figé, sans ressources pour agir, dans une tentative de survie extrême.
Cependant, il est important de noter qu’il existe des moyens de sortir de cet état. L'apprentissage de l'observation consciente des phases de stress, aussi appelé neuroception, permet de reconnaître ces états dès qu'ils surviennent. Grâce à une meilleure compréhension de ces mécanismes, il devient possible de recouvrer une sensation de sécurité et de réactivation du système ventral-vagal. En reconnaissant les signaux internes et en réagissant à ces moments de manière consciente, nous pouvons inverser ce processus et restaurer progressivement la régulation autonome.Cette capacité d'auto-régulation repose sur la hiérarchie des réponses du système nerveux, qui commence par la recherche de sécurité, puis l’action, et en dernier recours, la réponse de retrait. Cependant, il est important de comprendre que ces réponses ne sont pas fixes et unidirectionnelles. Elles peuvent se déplacer dans les deux sens. Par exemple, après un moment de retrait ou d’immobilité, il est possible de réactiver l'action ou même de revenir à un état de sécurité. Cette flexibilité dans la hiérarchie du système nerveux nous permet de mieux nous adapter aux défis et de remonter cette hiérarchie lorsque nous nous sentons prêts à le faire.
Dans ce processus, la recherche de sécurité représente la première ligne de défense : lorsque nous percevons un danger, notre système cherche à créer un environnement sûr. Cela peut être par un changement d’environnement ou une simple pause pour vérifier que l’on est en sécurité. Si cette étape est insuffisante et que le danger persiste, notre réponse passe à l’action, qui est une réaction active pour éviter ou confronter la menace. Si ces deux premières options échouent ou sont trop épuisantes, le corps entre en réponse de retrait, où l'immobilité ou la dissociation survient, comme dernier mécanisme de survie.
Cependant, il existe des moyens de remonter la hiérarchie et de restaurer un état de sécurité. En pratiquant l’observation consciente des phases de stress (ou neuroception), nous pouvons apprendre à reconnaître ces réponses dès qu'elles surviennent, ce qui nous permet de prendre des mesures pour les réguler. Par exemple, en cas de retrait ou d'immobilité, des techniques de relaxation, de respiration profonde ou d’ancrage dans le moment présent peuvent nous aider à rétablir un état de sécurité. Une fois que nous avons retrouvé cette sécurité interne, il devient plus facile d'engager une action adaptée à la situation, avant de pouvoir revenir à un état de sécurité durable. Ce retour progressif à l'équilibre est essentiel pour préserver notre bien-être physique et émotionnel, car il nous permet de sortir de ces réponses extrêmes et de rétablir notre capacité à nous adapter de manière saine face aux défis.
Ces trois états fondamentaux peuvent parfois se mélanger pour créer des réponses émotionnelles et comportementales plus complexes, appelées états hybrides :
Le mode ventral-sympathique : L’action au calme.
Lors de certains défis, nous pouvons nous sentir en sécurité tout en étant poussés à l’action. Ce mode hybride, où se mêlent le système ventral-vagal (repos et sécurité) et le système sympathique (action), crée une réponse d’engagement actif mais serein. Cela nous permet de relever des défis, d'explorer de nouvelles opportunités ou de faire face à l'incertitude tout en maintenant une tranquillité intérieure. Sur le plan émotionnel, cet état est marqué par un sentiment d’équilibre, où la motivation à agir se combine à une absence de panique. Nous pouvons ressentir un léger enthousiasme, de la curiosité ou même de l'excitation, mais sans l'anxiété excessive qui accompagne souvent le stress. Psychologiquement, cet état favorise un état de pleine conscience, nous permettant de prendre des décisions rationnelles tout en restant ouverts à l'inconnu, sans être paralysés par la peur ou l'incertitude. Hormonalement, ce mélange des systèmes ventral-vagal et sympathique est régulé par des niveaux modérés d'adrénaline et de cortisol, qui favorisent l’énergie et la mobilisation, mais sans entraîner une surcharge excessive. L'activation du ventral-vagal aide à limiter l'impact du cortisol, permettant au corps de rester en action tout en préservant une certaine résilience émotionnelle et physique. Sur le plan physique, cette activation hybride entraîne une mobilisation contrôlée : le corps se prépare à l'action (augmentation légère du rythme cardiaque, respiration plus rapide mais fluide) tout en conservant une posture détendue. Les muscles sont prêts, mais il n’y a pas de tension excessive. Il peut y avoir une légère sensation d'adrénaline, mais elle ne se traduit pas par une hyperactivation. Le corps est fonctionnel, énergique mais sans la rigidité que l’on retrouve dans un état de stress plus intense. Socialement, cet état favorise des interactions plus fluides et ouvertes. Nous sommes capables de nous engager de manière authentique avec les autres tout en étant attentifs à nos besoins et à ceux des autres. Cette capacité à maintenir une certaine tranquillité intérieure tout en restant actif permet une meilleure écoute et une plus grande capacité à coopérer, à faire face aux défis sociaux sans se laisser envahir par des émotions négatives ou une agitation intérieure.
Lorsque cet état est couronné de succès, il est associé à la production de dopamine, ce qui renforce la sensation de plaisir et de réussite. Cela a un impact direct sur l'estime de soi et la confiance en soi, car le succès nourrit la perception positive de nos capacités et renforce notre sentiment de compétence. Cette boucle de feedback positif permet d’augmenter la motivation à poursuivre nos efforts et à aborder de futurs défis avec davantage de confiance. Cependant, si l’échec survient, cet état ne doit pas être perçu comme une défaite. Au contraire, il offre une opportunité de résilience et d’apprentissage. L’échec, dans ce contexte, devient un outil de croissance. En analysant les erreurs et en les intégrant comme des expériences d’apprentissage, on peut transformer cette situation en force. L’adoption d’une mentalité de résilience permet de comprendre l’échec non pas comme une fin en soi, mais comme une étape essentielle du processus d’adaptation. L’apprentissage de l’erreur devient alors un moyen de renforcer notre estime de soi, car chaque erreur surmontée est un pas vers une plus grande compréhension et une meilleure capacité à surmonter des obstacles similaires à l’avenir. Ce processus d’apprentissage permet de maintenir une stabilité émotionnelle et physique, même en cas de difficultés, en renforçant notre capacité à revenir à un état de calme et d’action à chaque nouveau défi. Ce mode ventral-sympathique est ainsi un outil puissant pour faire face à des situations complexes, en permettant à la personne de rester calme, concentrée et engagée, tout en nourrissant un cycle de croissance personnelle, qu'il s'agisse de succès ou d'échecs.
Le mode ventral-vagal + dorsal : Immobilité choisie dans la sérénité
Dans certaines situations, l'immobilité induite par le système vagal dorsal, liée à la peur extrême, peut se combiner avec un état de calme apporté par le système vagal ventral. Ce phénomène hybride survient lorsque l'individu est confronté à une menace ou un stress intense, mais que, paradoxalement, un sentiment de sécurité intérieure permet de maintenir une sérénité malgré l'incapacité d'agir.
Dans cet état, bien que la réponse physiologique de "gel" ou de retrait puisse être présente, la personne reste ancrée dans une forme de tranquillité. Émotionnellement, la peur et l'anxiété peuvent subsister, mais elles sont modulées par un sentiment de sécurité intérieure. Il peut s'agir d'une réponse à un stress élevé dans un environnement sécurisant, où le système ventral vagal intervient pour créer un équilibre qui permet à l'individu de rester calme malgré la paralysie.
Psychologiquement, cette combinaison d'immobilité et de calme crée un espace de réflexion où l'on se sent à la fois protégé et capable de percevoir la situation avec une certaine distance. Cette distanciation mentale permet à l’individu de mieux gérer la peur et la confusion, en maintenant une forme de clarté dans un moment de crise. L’immobilité, loin d’être vécue comme un fardeau, peut alors être perçue comme une forme de repos protecteur, une pause nécessaire avant de reprendre le contrôle.
Physiquement, bien que le corps soit dans un état de ralentissement profond, avec des sensations de lourdeur et de rigidité dues à l'immobilité, cette réponse est adoucie par un sentiment général de calme et de bien-être. Le cœur peut battre plus lentement, la respiration est plus profonde et régulière, et les muscles sont moins tendus que dans un état de peur pure. Le cortisol, hormone du stress, peut être présent, mais ses effets sont contrebalancés par l’effet apaisant de la réponse vagale ventrale. Ce retour à un état de calme permet de mieux gérer la tension interne, en évitant le pic de stress et d'anxiété.
Cet état hybride peut aussi se manifester dans des situations où l'individu fait face à un stress intense, mais bénéficie d'une certaine sécurité physique, émotionnelle ou psychologique, comme dans un environnement familier, entouré de personnes de confiance, ou lorsqu'il a déjà une certaine expérience de résilience face à la peur.
Dans ces moments, l'individu peut choisir de "se retirer" momentanément sans se sentir accablé, en prenant un instant de recul pour mieux se recentrer.
Socialement, cet état hybride peut avoir un impact positif, car il permet à la personne de se retirer sans se couper totalement de son environnement. Elle reste présente, mais de manière calme et détachée, offrant une stabilité qui peut être perçue comme rassurante par les autres. Cette capacité à rester en retrait tout en étant intérieurement calme peut renforcer les relations sociales, car elle témoigne d'une maîtrise émotionnelle qui permet d’interagir sans être submergé par la peur ou l’anxiété.
Pourquoi Comprendre Tout Cela Est Important ?
Savoir que nos émotions sont là pour nous protéger et nous pousser à explorer peut changer notre façon de les percevoir. Plutôt que de les voir comme des obstacles, nous pouvons les accueillir comme des alliées. Par exemple :
Face à la peur, nous pouvons reconnaître un besoin de sécurité.
Face à la curiosité, nous pouvons voir une opportunité de croissance.
Un Équilibre Essentiel
La clé est d’apprendre à équilibrer ces deux dynamiques. Parfois, nous avons besoin de nous protéger, de nous retirer. D'autres fois, nous devons nous ouvrir, explorer. Trouver cet équilibre nous permet de mieux gérer notre stress et de favoriser notre bien-être.
Dans le monde d'aujourd'hui, marqué par des changements rapides, des incertitudes et des défis globaux comme le climat, la technologie, et les crises sociales, savoir réguler ses émotions est plus crucial que jamais.
Adaptabilité : La capacité à gérer ses émotions nous permet de rester flexibles face aux changements, d'innover et de trouver des solutions créatives.
Résilience : En cultivant un équilibre entre sécurité et exploration, nous pouvons mieux surmonter les épreuves et rebondir après des difficultés.
Convivialité : Dans un monde interconnecté, comprendre et gérer nos émotions nous aide à construire des relations saines et à collaborer efficacement avec les autres.
L’intégration de ces différents états de notre système nerveux, qu’ils soient de sécurité, d’action ou de retrait, reflète une dynamique fondamentale pour notre équilibre psychologique et physique. Lorsque nous nous sentons en sécurité, comme dans le mode ventral-vagal, nous pouvons nous épanouir, explorer nos ressources internes et interagir positivement avec notre environnement. Ce mécanisme de régulation nous permet non seulement de nous adapter et de nous développer au niveau individuel, mais il joue également un rôle essentiel dans notre capacité à interagir de manière saine et harmonieuse avec les autres et le monde qui nous entoure. Le calme et la sérénité que nous ressentons dans cet état sont essentiels à la fois pour notre bien-être intérieur et pour nourrir des relations sociales positives et constructives.
Du point de vue physique, psychologique et émotionnel, cet équilibre entre sécurité et mobilisation active permet de préserver notre santé en réduisant l’impact du stress chronique et de l’hyperactivation du système nerveux. Quand le corps et l’esprit retrouvent cet état de calme intérieur, ils se réparent, ce qui contribue à une meilleure gestion des émotions et de la santé mentale, tout en favorisant une meilleure gestion des tensions sociales. La confiance en soi et l’estime de soi en sortent renforcées, car chaque situation réussie dans cet état nous permet de développer un sentiment d’efficacité personnelle et de résilience.
Au niveau sociétal, cette régulation du système nerveux n’est pas seulement bénéfique pour l’individu, mais elle a également des répercussions collectives. Lorsqu'une société fonctionne dans un état où ses membres peuvent naviguer entre sécurité, action et calme, elle devient plus résiliente face aux crises, plus ouverte à l’apprentissage et à l’évolution collective. De plus, ce type d’équilibre émotionnel et physique peut se répercuter sur l’environnement social : des individus équilibrés sont plus enclins à prendre soin de leur communauté et à travailler ensemble pour résoudre des problèmes collectifs, qu’ils soient sociaux, économiques ou environnementaux.
Dans un contexte géopolitique mondialement tendu, la régulation de notre système nerveux et de nos réponses émotionnelles devient encore plus cruciale. Les conflits et guerres, souvent alimentés par des traumatismes non résolus, renforcent les divisions et la violence au sein des sociétés. Une grande partie de ces guerres, qui ont causé des souffrances immenses à des générations entières, aurait peut-être pu être évitée si les individus et les nations avaient eu les outils nécessaires pour gérer ces tensions internes et extérieures de manière plus pacifique. En effet, une société capable de réguler ses réponses de peur, de stress et de violence serait mieux préparée à éviter les escalades de conflits violents, à la fois à l’échelle individuelle et collective.
En extrapolant cette idée aux animaux, à la nature et à l’environnement, on peut imaginer qu'une société qui prend soin de ses membres, en permettant à chacun de trouver cet équilibre interne, aura également un impact positif sur son environnement naturel. La nature, tout comme les animaux, réagit à nos actions, et en rétablissant un équilibre au niveau individuel et collectif, nous pouvons également préserver et nourrir la planète qui nous nourrit. Le respect et l’harmonie entre l’humain et son environnement sont indissociables, et ce processus de régulation interne peut jouer un rôle clé dans la durabilité des écosystèmes. En prenant soin de nous-mêmes, nous prenons soin des autres et de notre planète, créant ainsi un cercle vertueux d'interconnexion.

Sources :
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